[Des cavaliers sur la route d'Autrans, un des premiers crépuscules de novembre]
L'avant-veille, ils avaient quitté Briançon un peu avant l'aube, les fontes garnies pour le voyage à travers les Écrins. Valentià n'avait pas boudé sa joie de quitter son écurie pour une longue chevauchée. C'est que, depuis sa grossesse et la naissance de son dernier enfant, sa maîtresse ne l'avait plus guère montée. Cette dernière sentait l'impatience de sa jument pommelée, fille du vent et de l'Espagne, mais elle la gardait à sa main car sa monture allait avoir besoin de toute sa fougue pour la longue route escarpée qu'ils devaient parcourir.
Ils avaient laissé Monestier de Briançon derrière eux puis dépassé La Grave, domaines Devirieux. Par endroit, la route se couvrait d'une couche de neige encore assez fine pour ne pas mettre les chevaux en difficulté. Mais bientôt, les flocons reviendraient en force et bloqueraient comme chaque année certains chemins montagnards, immuablement.
Le plus dur étant derrière eux, ils avaient fait étape au Bourg d'Oisans une courte nuit, le temps que montures et cavaliers prennent un peu de repos et un repas chaud.
Le lendemain, la petite troupe avait fondu sur Grenoble. La route y était plus aisée mais la fréquentation plus importante comme aux abords de toute grande ville. Quelques embouteillages de chariots les ralentirent mais le soleil était encore au zénith lorsqu'ils purent quitter la banlieue grenobloise et prendre la direction de Sassenage.
A présent, les chevaux semblaient fatigués, et leurs cavaliers aussi, lorsque la petite troupe s'engagea dans l'allée qui menait à l'entrée du castel d'Autrans. Le jour déclinait sur la campagne encore parée de ses plus belles couleurs, les sublimant encore davantage.
De la buée se dégageaient des naseaux et du poil humide des bêtes lorsqu'elles s'immobilisèrent devant les hautes portes. De la buée aussi lorsqu'une voix masculine s'éleva en direction de la barbacane
Oyez du château ! Ouvrez les portes à la Dame de Sablons !